Les années se suivent et se ressemblent en Guinée. Alors que les fidèles musulmans et chrétiens, à l’instar de leurs coreligionnaires du monde entier, observent en ce moment le jeûne, les prix des denrées de première nécessité connaissent une hausse sur le marché. Même si l’Etat et les importateurs ont tenté de les maintenir à des niveaux raisonnables, entre grossistes, semi-grossistes et détaillants, difficile de maîtriser l’ensemble de la chaîne.
Notre constat a démarré au marché Lambandji, situé dans la commune du même nom, où les prix de la plupart des produits de grande consommation ont connu une légère ou forte hausse. C’est le cas du sac de riz importé, vendu habituellement à 320 mille francs guinéens, il se négocie en ce moment entre 330 et 335 mille francs guinéens à certains endroits visités par notre reporter.
Une situation difficile à supporter pour Mariama Soumah, mère de famille trouvée dans un magasin. Elle négociait l’achat de deux sacs de riz.
“Tous les prix ont augmenté depuis le début du mois de ramadan, une situation qui nous donne du fil à retordre. Pourtant, le gouvernement de transition a annoncé la baisse des prix de certaines denrées de première nécessité, mais sur le terrain, c’est une autre réalité”, déplore-t-elle.
Le prix du sac de riz CIAO annoncé en baisse ne l’est pourtant pas dans plusieurs magasins de vente. Le sac est négocié entre 330 mille à 340 mille gnf dans d’autres boutiques de Conakry, alors que la société CIAO a porté son prix à 290.000 gnf. Les commerçants ne respectent pas les consignes données par les autorités sur la flexibilité des prix sur le marché.
A l’image de ce marché, nous avons dressé le même constat à Cosa, dans la commune de Ratoma. Sur ce lieu de négoce, vendeurs et acheteurs se plaignent de la cherté des prix.
“Tout est cher au marché, le sac d’oignon est vendu à 190 mille voire 200 mille dans certains magasins. Le sac de sucre est aussi négocié entre 350 et 360 mille et le bidon d’huile végétale à 85 mille francs guinéens”, se lamente Bountou Condé, une autre mère de famille.
Comme dans la plupart des marchés de la capitale, celui du marché Mayalon, situé à la Tannerie, dans la commune de Matoto, n’échappe pas à cette triste réalité. Le prix du sac de lait qui se vendait entre 715.000 et 720 mille francs est vendu en ce moment à 730 mille francs, nous a confié Diouldé Baldé, commerçant. Le sac de 50 kilogrammes de riz varie, quant à lui, entre 195.000 à 250.000 francs guinéens, selon la qualité. Le bidon de 20 litres d’huile d’arachide se négocie entre 165.000 à 175.000 Gnf, et le kilo de viande se vend, selon la qualité, entre 32.000 jusqu’à 45 mille francs guinéens.
Les consommateurs, partagés entre engagement des autorités et réalités sur le marché, appellent l’Etat à homologuer les prix en ce mois de ramadan et de carême chrétien.
Les réfractaires dans le viseur des autorités de Matam
Ce n’est un secret pour personne. Les prix des denrées de grande consommation varient selon les marchés, parfois selon les magasins d’un même marché. Pourtant, dans le but de soulager le panier de la ménagère en cette période de ramadan et de carême chrétien, le gouvernement de transition, à travers le Ministère du Commerce et celui du Budget, a signé le 20 février dernier un protocole d’accord avec la Chambre nationale de commerce, pour réduire le coût des prix des produits de première nécessité sur le marché.
Cependant, il ressort de notre constat que ce protocole d’accord est violé par des marchands et autres détaillants. Les consommateurs mettent à l’index la mauvaise foi et l’incapacité des autorités à faire respecter les mesures annoncées.
Interrogé par notre reporter, le directeur du Service Commerce, Industrie et MPE au sein de la Délégation spéciale de Matam, dénonce aussi cette attitude. Pour lui, ce sont surtout les détaillants qui se livrent à cette spéculation.
« Le commerce est structuré en catégories. Il y a des importateurs. Une fois à l’intérieur du pays, on les qualifie de grossistes. Il y a des demi-grossistes. Il y a également des détaillants. En ce qui concerne ce non-respect des prix, c’est souvent constaté au niveau des détaillants. Ils sont en contact direct avec les consommateurs. Donc une fois que la situation est remarquée dans une zone, nous intervenons très rapidement », assure Aboubacar Fofana.
Ce cadre de la mairie de Matam précise aussi que ses agents déployés sur terrain pour le contrôle des prix privilégient plutôt la sensibilisation, en lieu place de la répression. « Nous ne partons pas directement sur la sanction, parce que je vous ai dit tout de suite que les opérateurs économiques ne sont pas nos adversaires. L’idéal, c’est de ne pas sanctionner les opérateurs économiques. C’est de faire en sorte que le commerce soit non seulement équilibré, très rentable, mais profitable aussi à la population. C’est ça l’idéal. Dans tous les pays au monde, c’est ça l’idéal. Parce que les opérateurs économiques contribuent efficacement à l’essor de l’économie nationale », relève Aboubacar Fofana.
Le responsable du Service commerce à la Délégation spéciale de Matam rappelle aux citoyens qu’un numéro vert, le 142, est mis à disposition pour dénoncer tout marchand qui viole le protocole d’accord tripartite.
« Maintenant, puisque certains opérateurs économiques se croient plus malins, ils font des prix comme ils veulent. Nous en tant que puissance publique, nous intervenons très rapidement. Et puisque nous ne sommes pas partout pour constater effectivement qu’il y a une différence de prix énorme dans tel marché ou dans tel autre, nous avons lancé un numéro vert, (142), qui est opérationnel 24 heures sur 24. Une fois que cela est fait, des inspecteurs assermentés qui sont à la Direction nationale du commerce intérieur et les services déconcentrés se mettent rapidement en synergie d’action pour apporter des réponses claires. En faisant quoi ? En faisant une répression », conclut notre interlocuteur.
AOB