Dans ce numéro de la rubrique ‘’Le dossier de la semaine’’, Allureinfo.net vous propose une série d’articles sur la sécurité tous azimuts dans le milieu scolaire en Guinée. Qu’il s’agisse de la vidéosurveillance comme moyen de prévention, ou de l’absence d’infirmerie scolaire, ou encore de la systématisation de la fouille corporelle, la thématique ne manque pas d’intérêt. Lisez !
Violence en milieu scolaire : faut-il systématiser la fouille corporelle et des sacs ?
Le 11 mars dernier, Bangaly Camara, élève âgé de 16 ans, en classe de 12ème année Sciences sociales, au Lycée Sainte-Marie de Nongo, ouvrait ‘’accidentellement’’ le feu sur deux de ses camarades de classe. Il avait réussi à introduire en classe un pistolet de fabrication locale, appartenant à son père, Moussa Camara. Depuis, ce drame a relancé les débats sur la sécurité en milieu scolaire. Notre rédaction s’en fait écho et s’interroge les mesures pratiques visant à prévenir plutôt que guérir.
Le constat révèle que les mesures de sécurité prises à ce niveau, ne se résument qu’à la présence de quelques vigiles qui assurent la sécurité de l’établissement, et des surveillants qui encadrent et accompagnent les élèves dans leur quotidien scolaire. La mesure de sécurité qui consiste en la fouille corporelle ou la fouille des sacs des élèves, même façon aléatoire, n’existe pas.
Les responsables d’écoles, pour diverses raisons avancées, n’appliquent l’une ni l’autre.
Pas de fouille en dehors des activités culturelles et sportives !
Au Groupe Scolaire Garaya de Matoto, les événements malheureux du lycée Sainte-Marie de Nongo ne sont pas passés inaperçus. Si la Direction loue l’idée de la fouille corporelle que nous leur soumettons, elle estime que ce procédé est très compliqué à réaliser.
« Déjà, il y a une affiche dans la cour de l’école qui interdit carrément les armes blanches. Même les téléphones sont interdits à l’école. Il est vrai que des fois, il y a certains enfants qui viennent avec des paires de ciseaux ou des couteaux dans le sac, parce qu’il y a souvent des enfants qui sont mal intentionnés. Mais si on se met à faire une fouille corporelle, chaque jour, on ne pourra pas s’en sortir, parce que les enfants sont nombreux. Et puis, ça peut provoquer une panique chez certains, parce qu’ils vont se dire qu’il y a certainement des élèves qui détiennent des effets prohibés. On ne va pas mettre dans la tête des enfants que ça existe, que ça doit se faire à l’école. L’école est un centre éducatif. Donc, les enfants savent pertinemment que ça ne doit pas se faire. C’est vrai que ce qui s’est passé du côté de la Sainte-Marie a quand même poussé les gens à réfléchir et à être plus vigilants qu’avant. Mais on sait que c’est un cas isolé », semble-t-il minimiser, malgré son propre constat des risques.
« Les activités culturelles, là oui, il faut faire des fouilles. On fait des fouilles corporelles, parce qu’il y a des enfants qui prennent n’importe quoi, notamment lors des tournois inter-classes, les kermesses. Là, il faut mettre un dispositif sécuritaire pour fouiller. Même les bidons n’entrent pas, parce qu’on sait que les enfants peuvent mettre tout dans les bidons et consommer n’importe quoi », a laissé entendre le Directeur des études, Mamadou Bah.
Délicat, mais envisageable…
Le professeur de Biologie, Mouctar Kalissa, du groupe Scolaire Cheick Chérif Sagalé de Dixinn, abonde dans le même sens. « Le nombre élevé d’élèves rend la tâche difficile, ça nous prendrait énormément de temps, alors que les cours démarrent généralement à 8h », nous explique-t-il.
« Ce qui s’est passé à la Sainte-Marie de Nongo est très grave. Nous ne faisons pas de fouille corporelle au sein de notre école, mais nous songeons à le faire à l’avenir », envisage Souadou Conté, Directrice d’une école privée à Coyah.
Comme lors des examens ?
Younoussa Camara, ancien cadre à la Direction de la ville de Conakry, propose des solutions et appelle à plus de vigilance de la part des encadrants.
« Il faut qu’on exige la vigilance. Il ne faut pas laisser comme ça seulement les élèves. Il faut qu’ils aient l’œil vigilant sur le comportement des élèves, en rentrant dans la cour, en rentrant à l’école. Parce qu’ils peuvent faire entrer des armes létales ou des stupéfiants. Les pouvoirs peuvent se pencher sur la question. Le ministère même pouvait le faire. Élargir les inquiétudes à de telles questions est essentiel. Etendre la fouille corporelle, comme on le fait à l’examen », conseille le fonctionnaire à la retraite.
Quand l’école aussi n’est plus sure, …
L’inquiétude est vive chez certains parents d’élèves qui invitent les familles à plus de vigilance.
« Les parents doivent prendre leur responsabilité, pas que l’école seulement. A la maison, il faut veiller sur les enfants et mettre hors de portée certains objets qui peuvent créer des dégâts. On ne peut pas laisser une arme à la portée d’un enfant, c’est inadmissible », dénonce Adama Sylla, parente d’élèves, faisant ainsi allusion au pistolet laissé à la portée du tireur de Sainte-Marie.
« Déjà que bien d’autres paramètres sur la sécurité de nos enfants nous inquiètent, si à l’école aussi, ils ne sont plus en sécurité, on ne sait plus quoi faire. Quand ils sortent de la maison, nous sommes déjà inquiets avec cette situation d’insécurité qui règne dans le pays. Et si on apprend que le danger même se trouve au sein de l’école, ça devient autre chose », s’inquiète une autre parente d’élève.
Ou la fouille des poches et sacs, comme en France
Pour comprendre un peu plus cette mesure de sécurité qu’est la fouille corporelle, nous nous sommes intéressés à ce qui se passe par exemple en France où des lois encadrent cette mesure.
Voici quelques conseils pour encadrer cette pratique dans un cadre scolaire, en France:
1. Respecter la légalité
En France, les fouilles corporelles sont strictement encadrées et doivent respecter la loi. Seules les forces de l’ordre peuvent procéder à une fouille corporelle approfondie (palpation, fouille des vêtements) avec justification.
Un chef d’établissement ou un personnel de l’éducation ne peut pas imposer une fouille corporelle. Toutefois, il peut demander à l’élève de vider ses poches ou son sac en cas de suspicion fondée.
2. Mettre en place un protocole clair, en rédigeant un règlement intérieur précisant les conditions de contrôle des affaires des élèves (cartables, sacs).
Mais aussi, en définissant des règles en cas de soupçon d’objet dangereux ou interdit (drogue, arme, etc.).
3. Privilégier la prévention et le dialogue, en sensibilisant les élèves aux dangers et aux règles de l’école. Encourager également la médiation et les signalements anonymes pour éviter des situations à risque.
4. Procéder avec respect et discrétion. En effet, si une fouille est nécessaire, elle doit être réalisée dans un cadre privé, en présence d’un responsable et, si possible, avec l’accord de l’élève. A cela s’ajoute une vérification visuelle ou une demande de vider ses poches/sac est à privilégier.
5. Faire appel aux forces de l’ordre en cas de doute sérieux. Si un élève est soupçonné de posséder un objet dangereux et refuse de coopérer, prévenir la police ou la gendarmerie.
Il est aussi pertinent d’envisager des solutions alternatives comme l’installation de détecteurs de métaux, la surveillance accrue et la mise en place d’une équipe éducative formée à la gestion des conflits.
Mohamed Béné Barry