Dans ce numéro de la rubrique ‘’Le dossier de la semaine’’, Allureinfo.net vous propose une série d’articles sur la sécurité tous azimuts dans le milieu scolaire en Guinée. Qu’il s’agisse de la vidéosurveillance comme moyen de prévention, ou de l’absence d’infirmerie scolaire, ou encore de la systématisation de la fouille corporelle, la thématique ne manque pas d’intérêt. Lisez !
Infirmerie scolaire : à la découverte d’un autre désert médical en Guinée !
« Nous n’avons pas d’infirmerie dans notre école », c’est la réponse qui revient le plus souvent lorsqu’un écolier est questionné sur l’existence d’une infirmerie dans son établissement. En 2025, malheureusement, avoir une infirmerie au sein de son bahut relève d’un très grand privilège. Un privilège dont ne peut se vanter la majorité des écoles du pays.
Les écoles dotées d’infirmeries se comptent sur le bout des doigts. Et si on en trouve, c’est bien dans certaines écoles privées. Au public, le constat crève les yeux. « Ne te fatigue pas mon petit, tu cherches une aiguille dans une botte de foin », nous a d’ailleurs lancé, d’un ton moqueur, un professeur à la retraite lors d’un échange.
Des propos assez illustratifs qui montrent que les écoles, en Guinée, ont toujours existé sans infirmeries. Pire d’ailleurs, sans aucun rapport avec les structures sanitaires du pays. Négligée ou pas nécessaire, peut-être aux yeux des fondateurs d’école ou décideurs de l’éducation, l’infirmerie en milieu scolaire a cessé d’être une priorité.
Ils donnent du sang, sans contrepartie…médicale
Décidé à y voir plus clair, nous nous sommes rendus vers l’un des plus grands et vieux lycées de Conakry : le lycée Matam. Devant la cour de l’école, un lycéen de la 12ème Sciences sociales, après les explications d’usage, accepte bien volontiers de se prêter à nos questions. « Il n’y a pas d’infirmerie ici. Quand un élève est malade, on appelle ses parents ou on l’envoie dans l’hôpital le plus proche. Il n’y a pas d’infirmerie. Les agents de santé que nous voyons de temps en temps dans notre école, c’est pour les campagnes de don de sang », nous a confié le lycéen.
Grâce ‘’aux paracétamols’’ du Censeur
Au groupe Scolaire privé Lavoisier de Dixinn, M’mahawa Sylla, élève en 11ème année, nous livre presque le même constat. « Quand un élève tombe malade, on appelle ses parents, il n’y a pas d’infirmerie. Je sais quand-même que le censeur a des comprimés dans son bureau. Il y a du paracetamol qu’on administre souvent à ceux qui ont des douleurs », nous a aussi confié la jeune élève.
Entre la pharmacie voisine et les talismans anti-djinns !
Pour pousser un peu plus nos recherches, nous nous sommes rendus au Groupe Scolaire Garaya de Matoto. Le Directeur des études, Mamadou Bah, nous explique comment son école, qui n’a pas d’infirmerie, procède pour soigner les enfants malades.
« Malheureusement, on n’a pas d’infirmerie. Mais toutes les mesures sont prises pour protéger les enfants, parce que nous sommes en rapport direct avec les parents. Un enfant qui se sent mal, la nuit ou le matin, il commence par l’hôpital avec ses parents, avant de se rendre à l’école.
Et des fois, les enfants peuvent tomber malades à l’école, ça arrive. Heureusement, on a une pharmacie, non loin de l’école. Si c’est une simple migraine, l’enfant ne rentre pas à la maison, on s’en tient à la recommandation du pharmacien. On prescrit souvent du paracétamol pour calmer la douleur. Quand ça s’aggrave, on appelle les parents pour leur faire comprendre que oui, leur enfant est malade. Soit nous, on prend les dispositions pour le ramener à la maison, ou on le conduit vers une clinique. Toutes les mesures sont prises pour protéger les enfants », semble se targuer l’encadreur.
Seulement, poursuit-il, « il y a certaines filles, par exemple, vous savez, il y a cette maladie épileptique, les filles qui tombent. Une chose qui est un peu liée aux djinns, aux diables. Elles tombent notamment les jeudis. Il y a certains parents qui nous ont confié des médicaments traditionnels, des talismans qu’on utilise souvent pour les calmer. On a ça à la direction pour certaines filles. Par contre, d’autres aussi, dès qu’elles tombent, parce qu’il y a certaines filles, quand elles tombent, c’est pratiquement toute la journée qui est perdue. Des dispositions sont prises automatiquement pour les ramener à la maison. Il y a certains aussi qu’on peut calmer, elles peuvent se reposer quelque part, jusqu’à un certain temps, pour reprendre les cours normalement. Donc, en gros, on n’a pas d’infirmerie, mais toutes les mesures sont prises. Les enfants, pendant la récréation, surtout les enfants de primaire, ils peuvent se bousculer et se blesser. Quand ça arrive, si c’est léger, on gère à l’interne, mais si la blessure est grave, là, on l’envoie automatiquement dans une clinique, avant d’informer les parents. Donc, c’est comme ça que ça se passe », nous explique Mamadou Bah.
A Coyah, une école privée dirigée par Madame Conté Souadou n’a également pas d’infirmerie. C’est également le même procédé dans les écoles précédentes. « Mais face à certaines maladies, ou situations graves, on évite de donner les produits, car on ne connaît pas le bilan de santé des enfants concernés », a indiqué la Directrice.
Fonctionnaire à la retraite, autrefois en service à la Direction de l’éducation de la ville de Conakry, Younoussa Camara regrette cette triste réalité.
« Les infirmeries dans les écoles, ça n’existe pas. Seulement quelques écoles privées ont des infirmeries. Par contre, il y a des cahiers de visite. En cas de problème, il y a des cahiers de visite dans certaines écoles. Ça fait partie des documents pédagogiques. Les enfants malades vont à la direction, on leur remet le cahier de visite pour aller à l’hôpital », rappelle-t-il.
« Même Barry Diawandou de Dixinn n’y échappe pas…»
A la question de savoir si l’Etat fait quelque chose pour y remédier, Younoussa Camara espère que ça sera le cas dans un avenir proche.
« Peut-être qu’à l’avenir, ils vont se pencher sur ça. On a pensé que dans les nouvelles écoles construites par le gouvernement, comme à Barry Diawadou de Dixinn, on aurait eu une infirmerie. En ce moment, on est en train de construire des écoles, j’espère que c’est programmé. Avec la modernisation, on a pensé qu’il y aurait eu des changements. Au collège de Bonfi que Madame la gouverneure de Conakry a fait réhabiliter récemment à hauteur de 9 milliards, l’infirmerie n’est pas prévue. Ça n’existe pas », regrette-t-il.
L’infirmerie pourrait être d’un grand apport dans le maintien des enfants à l’école, reconnaît le doyen. Qui estime que quand un enfant quitte l’école pour l’hôpital à cause d’un simple mal de tête, il n’y revient plus pour le reste de la journée. Alors que l’infirmerie aurait permis de le garder en classe.
L’embellie médicale, c’est au privé…
Le tableau n’est cependant pas sombre partout. Il existe des établissements scolaires qui disposent d’infirmeries. C’est le cas du Groupe Scolaire Chérif Cheik Sagalé de Dixinn. Sur place, Mouctar Kalissa, Professeur de Biologie, s’en félicite.
« L’infirmerie existe, nous avons des produits et des trousses de secours pour les premiers soins. Vous savez, les enfants se blessent souvent quand ils jouent, nous les prenons en charge. Je me souviens qu’il y a un enfant qui s’était ouvert l’arcade sourcilière, nous l’avons pris en charge dans notre infirmerie. Les filles qui ont des règles douloureuses, nous avons des produits pour calmer leur douleur. Nous avons des infirmières, même si elles ne sont pas permanentes », nous révèle le professeur.
L’institution Sainte-Marie de Dixinn, dotée d’une infirmerie depuis des lustres, fait également exception à la règle. Plusieurs anciens élèves approchés, nous ont confirmé l’existence d’une infirmerie dans leur école. Produits pharmaceutiques, premiers soins, l’institution en a toujours fait une priorité, selon ces anciens élèves. Beaucoup d’entre eux se souviennent des prises en charge en cas de blessures. Malheureusement, nous n’avons pas eu accès à cette infirmerie. Une demande d’autorisation préalable nous a été exigée par un membre de la direction.
Le manque d’infirmeries dans les écoles guinéennes est un problème majeur qui met en danger la santé et le bien-être des élèves. Entre prise en charge insuffisante des urgences, la propagation des maladies, les absences scolaires accrues, la mauvaise gestion de l’hygiène et de la santé mentale, les conséquences du manque d’infirmeries dans les établissements scolaires sont nombreuses.
Cinq mesures pour inverser la donne !
Face à de telles menaces, plusieurs pistes de solutions sont envisagées par les professionnels de santé :
– La création des infirmeries dans les écoles avec du matériel de premiers soins et des médicaments de base.
-La formation des enseignants et du personnel scolaire aux gestes de premiers secours pour mieux gérer les urgences.
– La mise en place d’un programme de visite médicale périodique en collaboration avec les hôpitaux et centres de santé locaux.
– Encourager les partenariats avec les ONGs et les institutions sanitaires à financer et équiper les infirmeries.
– La Sensibilisation des élèves à l’hygiène et aux premiers secours pour limiter les risques de maladies et d’accidents.
L’amélioration de la qualité de l’enseignement dans notre pays a toujours été revendiquée par les autorités. Il est donc essentiel de promouvoir un système de santé de qualité en milieu scolaire afin de garantir un environnement d’apprentissage sûr et sain pour tous les élèves.
Mohamed Béné Barry