C’est certain, la Guinée célèbrera la fin du mois sacré de Ramadan dans quelques heures. Après plusieurs jours de jeûne et de pénitence, les musulmans portent de beaux vêtements pour se rendre à la mosquée. Mais quelle est la réalité dans nos marchés à l’approche de cette fête ?
Pour répondre à cette question, nous avons visité certains marchés de la capitale, Conakry. D’abord, celui de Madina, le plus grand du pays. Ce mercredi 26 mars 2025, une atmosphère particulière y régnait. Les différents espaces étaient envahis par une foule compacte, et l’intérieur était achalandé d’articles divers, pour attirer la clientèle.
Une aubaine pour Thierno Saïdou Barry, vendeur de vêtements et de chaussures: « Je dis Dieu merci. Je gagne assez pour subvenir aux besoins de ma famille. Je vends des complets Macky Sall entre 300 000 GNF et 600 000 GNF, des chaussures entre 250 000 GNF et 450 000 GNF, selon la qualité. Les gens se plaignent de la cherté des prix, mais je gagne quand même des clients petit-à-petit, grâce à Dieu », a-t-il confié.
Malgré cet engouement, certains commerçants restent sur leur faim. C’est le cas de Fatoumata Binta Barry, vendeuse de vêtements pour adultes. Elle indique que parmi les nombreux clients qui viennent, seuls quelques-uns font des achats : « Comme vous pouvez le constater, les gens viennent en grand nombre. Mais, nous aurions voulu que les ventes soient meilleures. Parce que même si les gens viennent massivement demander les prix, seuls quelques-uns achètent. D’autres regardent beaucoup les vêtements, mais disent que c’est trop cher, et qu’ils ne peuvent pas acheter pour eux et leurs enfants. Ils décident finalement de renoncer à leurs habits, pour aller en acheter pour leurs enfants. Sur 10 à 20 personnes qui viennent demander les prix, vous ne pouvez pas en avoir plus de 3 qui achètent nos marchandises », a-t-elle expliqué, la mine dépitée.
Quant à Fatoumata Keita, cliente, elle dénonce la variation des prix d’un jour à l’autre : « On a constaté que les prix ont varié. Les prix ne sont pas les mêmes. Parce qu’hier encore, nous étions là et avons acheté des chaussures pour les enfants. Mais aujourd’hui, le prix n’est pas le même qu’hier. Il y a eu une augmentation à mesure que la fête approche. Les vêtements prêt-à-porter coûtent excessivement cher, contrairement à ceux vendus à la friperie. Une robe pour les enfants de 0 à 2 ans, qui était vendue à 50 000 GNF, se négocie aujourd’hui à 170 000 GNF. Et pour les petits garçons, un seul pantalon coûte entre 85 000 GNF et 110 000 GNF, et la chemise se vend à partir de 95 000 GNF. Ces prix sont différents de ceux des années précédentes. Même le prix des chaussures pour filles et garçons a également grimpé », déplore Fatoumata Keita.
De Madina, direction la haute banlieue de Conakry, où nous avons fait un arrêt au marché Enco5. Mamata Sylla, une mère de famille, déplore la cherté des articles de fête dans ce marché : « Cette année, c’est vraiment cher. Par exemple, moi j’ai 5 enfants, deux filles et trois garçons. Pour les deux filles, j’ai acheté trois pagnes pour coudre pour elles. C’est moins cher que le prêt-à-porter. Avec mes trois garçons, j’ai acheté le complet de chacun à 250 000 GNF. Avant, ce que nous achetions à 60 000 GNF, est maintenant monté à un prix exorbitant. Les chaussures, j’en ai acheté par personne à 100 000 GNF », dénonce Mme Mamata Sylla.
Les vendeurs de prêt-à-porter se plaignent, quant à eux, du manque d’achats, et pointent du doigt la contrefaçon.
Kourouma Moriba se tourne les pouces, attendant désespérément une clientèle qui devient de plus en plus rare : « Vraiment, ça ne va pas du tout. Nous gagnons rarement des clients. Nous avons des marchandises, mais presque je ne vends même pas 3 complets par jour depuis 5 jours, contrairement à l’année dernière », compare-t-il.
Par contre, Souleymane Diallo accuse les femmes installées le long des voies publiques d’avoir cassé les prix : « Ce que nous vendons à 250 000 GNF, elles le vendent sur le bord de la route à 40 000 GNF. C’est pourquoi, nous n’avons plus de clients. Mais, ce n’est pas la même chose. Ce n’est pas de la bonne qualité. Nous, nous achetons là où il y a de la bonne qualité. Actuellement, ils ont tout contrefait. Ça fait perdre les vendeurs, et le marché est complètement vide », se résigne-t-il à constater.
De plus, le prix des bijoux (colliers, bracelets, montres, lunettes pour enfants) donne des maux de tête aux citoyens qui osent en demander. Une chaîne pour enfant se négocie entre 30 000 GNF et 45 000 GNF, alors qu’auparavant elle se vendait entre 10 000 GNF et 15 000 GNF. Une montre pour enfant aussi coûte désormais 25 000 GNF contre 10 000 GNF, il y a quelques jours. Une paire de lunettes qui coûtait 7 000 GNF se négocie maintenant à 30 000 GNF.
Une situation qui, à quelques heures de la fête, pèse lourdement sur les épaules et le porte-monnaie des parents. Qui, par ailleurs, sont confrontés à une sévère pénitence…financière.
Amadou Diallo