Dans ce numéro du »Le Dossier de la semaine », la rédaction de Allureinfo.net fourre son nez dans les bordels portés en plein cœur des marchés de Conakry. Dont certains avaient pourtant été démantelés par les services de sécurité. Ici, les baraques ont poussé sur les ruines des chambres de passe nettoyées à la pelleteuse. Et là, on opère parfois à la belle étoile. Bienvenue dans les méandres de la sexualité débridée !
Marchés de Kirory, Foulamadina et Sonfonia : quand la prostitution survit à la police et à la pelleteuse !
Les opérations de démantèlement des zones criminogènes, initiées par les autorités judiciaires en 2024, se dérouleront dans la zone spéciale de Conakry. Des centaines de boutiques, y compris celles transformées en chambres de pass, maquis et dancings mal célèbres, ont été rasées. À travers ces opérations, les autorités guinéennes entendent lutter contre la prostitution à ciel ouvert, particulièrement visible dans les marchés de la capitale.
La pelleteuse passe, mais le sexe bon marché loin de trépasser !
Toutefois, la réalité sur le terrain est tout autre encore. À Kiroty, dans la commune de Lambandji par exemple, un marché pourtant frappé de plein fouet par ces opérations, la prostitution sévit intensément la nuit. La zone à beau garder encore les stigmates de la casse de plusieurs boutiques transformées de chambres de pass, les belles de nuit et leurs clients y sont encore actifs.
Ainsi, le long des ruelles situées près du site des sapeurs-pompiers bordant la clôture du Stade de Nongo, on aperçoit encore quelques baraques nouvellement établies et opérationnelles. Trois d’entre elles restent debout, défiant l’ordre établi. Il y a une fête du matin au soir. Les clients s’approvisionnent en boissons, pain et autres produits de première nécessité.
Mais à la tombée de la nuit, le décor change radicalement. Une fois les marchands repartis, c’est l’autre commerce qui prend le relais. Derrière le siège principal des sapeurs-pompiers, l’ambiance se transforme. Des débits de boissons diffusant de la musique à fond, et dès que des jeunes femmes en jupes courtes et tenues aguichantes apparaissent, l’atmosphère s’électrise.
Au marché de Kiroty, ça s’opère sous le manguier ou sur des cartons…
À 23 heures ce samedi 12 avril 2025, notre équipe de reportage, fourre son nom dans ce pandémonium de la débauche. Nous voici en approche avec l’une des travailleuses du sexe. En vêtements moulés, le visage enduit de maquillage, une chevelure synthétique, elle lâche un sourire provocateur. Puis, un bonsoir douxreux. Et nous lâchons cette question brise-glace : « envie de passer un moment avec moi ce soir, madame ? ». La réplique est tranchante : « Je ne suis pas mariée, c’est mademoiselle S. Kanté. Vous avez besoin de moi ici et maintenant ? ».
Nous tentons de tirer en longueur, afin de lui tirer les verres du nez : « Oui, ici. C’est combien et où exactement ?», nous avons-nous demandé. « C’est derrière les voitures abandonnées, dans l’obscurité, ou sous le manguier. 15 000 GNF pour cinq minutes », répond-elle, le plus naturellement du monde.
Nous exprimons une crainte : « Et si quelqu’un nous voyait ? ». Elle éclate de rire : « C’est donc ta première fois ? ». « Oui, je suis juste de passage », avons-nous répondu. « Alors, allons sur le chantier du marché. Il y a des cartons là-bas, mais tes habits seront sales », nous suggère S. Kanté. A notre question de savoir s’il y avait un gardien sur le site, notre interlocuteur, s’agace : « Quel gardien ? Il n’y a ni lumière, ni gardien. Allez, faisons vite ! Je fais ce métier ici depuis 9 ans », concède-t-elle.
Partout, sauf à domicile…
Pour contrecarrer son scénario du moment, vers la fin de la conversation, nous lui proposons de passer la nuit chez nous. Elle y oppose un refus catégorique : « Non, tu veux me tuer ou bien refuser de payer le matin ? Si tu veux dormir avec moi, allons dans un motel. Là-bas, c’est 40 000 GNF pour moi, et 35 000 GNF pour une heure de chambre », coupé-t-elle cours. Nous nous en détournons, pour une autre destination de notre reportage dans les marchés à bordel de Conakry.
Il est vers minuit. Nous mettons le cap sur Foulamadina, dans la commune de Sonfonia. Ici, tout se négocie autour d’un verre de vin. Les rencontres se font sur le pont ou en face de l’Université Général Lansana Conté, sous les manguiers. L’alcool et la musique y coulent à flots.
Après plusieurs minutes d’observation, nous abordons une jeune femme au corps largement exposé, de la poitrine aux pieds. Elle accepte notre proposition pour 50 000 GNF l’heure dans un motel des environs. A défaut, c’est 30 000 GNF pour une partie rapide de 15 minutes au bord du marigot tout près.
Les chuchotements des fantômes du sexe !
Puis, nous arrivons au marché de Sonfonia. Pour identifier les travailleuses du sexe, il faut s’aventurer vers les environs d’une unité industrielle, juste après les rails en direction de l’école de la Gendarmerie. Ici, elles sont accueillies dans des maisons bien connues comme »Kalawô », »Galey Keysey » ou »Fais vite », situées le long des rails. Il suffit qu’un client achète une bouteille, alcoolisée ou non, et le tour est joué pour quelques minutes de plaisir tarifé.
Dans ces pièces sombres, seuls des chuchotements se font entendre. Les visages sont indéchiffrables, seuls les corps se devinent derrière des rideaux. La lumière y est proscrite. Certains habitués nous prenons pour un client…sérieux, et ne s’étonnent pas de nous voir arpenter ces couloirs obscurs, un véritable labyrinthe du sexe.
Vous l’aurez compris ! Malgré les démantèlements et les déclarations des autorités, la prostitution continue de prospérer dans les marchés de Kiroty, Koloma, Foulamadina et autres. Il s’adapte, se déplace, mais ne disparaît pas. À Conakry, comme ailleurs, la prostitution semble toujours avoir une longueur d’avance sur les politiques de répression.
Amadou Diallo