Dans ce numéro du »Le Dossier de la semaine », la rédaction de Allureinfo.net fourre son nez dans les bordels portés en plein cœur des marchés de Conakry. Dont certains avaient pourtant été démantelés par les services de sécurité. Ici, les baraques ont poussé sur les ruines des chambres de passe nettoyées à la pelleteuse. Et là, on opère parfois à la belle étoile. Bienvenue dans les méandres de la sexualité débridée !
Prostitution à Cosa rails et Koloma Soloprimo : Seul ou en groupe, la courbe tarifaire varie entre 50 000 GNF, 200 000 GNF et 600 000 GNF
À l’instar de nombreux marchés de la capitale guinéenne, les zones de Koloma et du site du centre directionnel ont été visées par une vaste opération de démolition. Bulldozers et forces de sécurité, policiers et gendarmes ont démantelé, à compter du 24 janvier dernier, plusieurs bars de fortune, chambres de passage et autres points de rencontres jugés favorables à la prostitution.
Entre ‘’l’Ethiopie’’ et le ‘’Temple’’, « vous pouvez faire ce que vous voulez avec moi »
Mais trois mois plus tard, sur les cendres de ce que les habitués surnommaient autrefois « l’Ethiopie » ou encore « le temple », des repaires bien connus, situés derrière le marché de Koloma, la prostitution n’a pas disparu. Aujourd’hui, elle s’est plutôt adaptée. La pratique ayant muté vers deux nouvelles formes. Il y a tout d’abord la mobilité qui permet des rencontres à la volée dans des lieux discrets. Puis, il y a l’utilisation de chambres voisines épargnées par les opérations de démolition.
Ainsi, dès 21h, la zone tombe dans une agitation nocturne. Les travailleuses du sexe y réapparaissent, dans des tenues légères et aguichantes. Laissant tantôt voir des tatouages, tantôt deviner l’intimité de leurs corps.
Les tarifs varient entre 50 000 et 250 000 francs guinéens selon la demande. Dans ce décor électrique, ne comptez pas sur une présence policière.
Nous avons pu nous en rendre compte le lundi 14 avril 2025, aux environs de 23 heures. Ce, en arpentant les ruelles qui environnent le marché Soloprimo, à Koloma. L’ambiance y est contrastée : d’abord festive avec de la viande grillée, des boissons, des éclats de rires. Mais progressivement, la nuit se mue en un théâtre à ciel ouvert où règnent séduction et marchandage.
À peine descendu de moto-taxi qui nous conduit, une jeune femme nous aborde sans détour : « Donnez-moi 50 000 francs, bb, et je vous donne un plaisir inoubliable ». Nous hasardons quelques civilités : « Bonsoir mademoiselle, comment vous appelez-vous ? ».
Elle répond, sèchement, du coup méfiante : « Ce n’est pas important. Je suis au commissariat ou quoi ? ».
A présent, nous tentons d’éviter tout malentendu. Nous nous excusons et poursuivons notre chemin. Un peu plus loin, à proximité des ruines du marché, une autre jeune femme nous arrête, le sourire aux lèvres : « Je suis prête pour 50 000 ou 200 000 francs. Vous pouvez faire ce que vous voulez avec moi pendant une heure. » Nous engageons une discussion pour en savoir plus sur les pratiques tarifaires : « Pour 50 000 ou 100 000 francs, que comprend l’offre ? » Elle s’approche et précise : « Il y a une chambre à louer à 50 000 pour une heure. Sinon, à l’hôtel là-bas, c’est 200 000 pour moi et 50 000 pour le gérant. Il y a plein de solutions. »
Lorsque nous évoquons les anciennes zones dans le marché, elle sourit et répond : « Vous êtes trop bien habillés pour aller là-bas. Maintenant, là-bas c’est pour les jeunes délinquants. Eux, c’est 15 000 ou 25 000 francs. Mais attention, ils peuvent vous voler. » Puis, elle se fait un rire moqueur : « Vous n’êtes pas prêts. »
« Ce soir, on fait la fête à trois. Suivez-moi ! Je dois faire un million aujourd’hui ».
Quelques instants après, direction le marché de Cosa, le long des rails. L’ambiance y est tout aussi intense. Une trentaine de jeunes femmes, perchées sur de hauts talons, en tenues trop osées, des mini-jupes et des robes transparentes, déambulent entre les voitures à la recherche de clients. Le secteur vibre au rythme des klaxons, des discussions et des négociations.
L’une d’entre elles accepte de parler : « Je suis là, mes amours. Ce soir, on fait la fête à trois. Vous payez 600 000 francs. » « Où ça ? », avons-nous demandé. « Suivez-moi », lance-t-elle, impérative. « Tu es trop pressée, beauté ? », avons-nous rétorqué. « Oui, je dois faire un million aujourd’hui. On est enfin libres ici. Personne ne viendra me dire de partir, les démolitions sont finies. Le bail est mort », se réjouit-elle. Allusion faite à la récente décision des autorités de mettre fin au bail du marché de Cosa.
Malgré les efforts visibles des autorités pour éradiquer les lieux de débauche, le plus vieux métier du monde a encore de beaux jours devant lui dans les marchés de Conakry. Malgré la traque aux filles de joie et les démolitions des bordels avoisinants, la prostitution a repris du poil de la bête. En se réorganisant autour et sur les ruines abandonnées. Devenant ainsi des zones devenues incontrôlées, parfois très dangereuses. Preuve que la prostitution continue de prospérer à Koloma marché et à Cosa rails.
Amadou Diallo