Le Président Mamadi Doumbouya, dans son adresse à la nation, le 31 Décembre 2024, avait annoncé la reprise des activités des partis politiques en 2025. Cette reprise devait mettre fin à trois ans d’interdiction de manifestations des formations politiques. On se souviendra que c’est le 15 Mai 2022 que les autorités militaires avaient décidé d’interdire les activités des partis.
«Toutes manifestations sur la voie publique, de nature à compromettre la quiétude sociale et l’exécution correcte des activités contenues dans le chronogramme (de transition) sont interdites pour l’instant jusqu’aux périodes de campagne électorale», avait écrit à l’époque, le Comité national du rassemblement pour le développement (CNDR), dans un communiqué publié sur les différents canaux de communication du gouvernement.
Cette décision, selon le CNRD, n’était qu’une mesure pour instaurer un climat de quiétude dans sa mission de ramener le pays à l’ordre constitutionnel.
« Pour mener à bien le chronogramme de la transition et la politique de refondation enclenchés depuis le 5 septembre 2021, le CNRD invite l’ensemble des acteurs politiques et sociaux à circonscrire aux sièges de leurs formations toute forme de manifestation ou regroupement à caractère politique», affirmait le communiqué du CNRD.
Une décision qui avait été très critiquée, à l’époque, par des partis politiques comme : l’UFDG et l’UFR.
Après l’annonce de la reprise, en fin d’année, nous avons tenté de savoir si les activités politiques avaient bel et bien repris. Malheureusement à l’UDRP et à l’UFDG, cette annonce du chef de l’État est aux antipodes de ce qui se passe sur le terrain. Il n’y a pas de reprise, les activités sont au point mort, à en croire les acteurs politiques que nous avons rencontrés. Tout est bloqué notamment au niveau des autorisations de manifestations sur les places publiques.
A L’UDRP, Dr Zotomou Kpoghomou ne cache pas son amertume. Pour le leader, seul un parti occupe aujourd’hui la scène politique guinéenne.
«Nous pensons que la reprise des activités politiques telle qu’annoncée n’est pas une reprise effective à partir du moment où on fait en sorte que le CNRD se soit déjà transformé en parti politique, qui fait une campagne ouverte, alors que les autres ne sont pas permis justement de faire cette campagne de la même façon.
Le CNRD, transformé en parti, utilise les moyens de l’Etat pour faire une campagne ouverte, alors que les autres qui sont des partis politiques reconnus ne peuvent pas faire la même chose, à plus forte raison de parler d’utiliser les moyens de subvention de l’Etat pour se faire entendre de la même façon.
Nous pensons donc que c’est du deux poids deux mesures. Et dans ces conditions, nous ne sommes pas entrain de voir cela d’un œil égalitaire», fulmine-t-il.
En ce qui concerne les manifestations, Dr Edouard Zotomou Kpoghomou est sans équivoque. Il n’y a plus de place pour les autres. La vie politique guinéenne ne se résume plus qu’à un seul mouvement, celui du CNRD.
«La démocratie, c’est l’application des règles à tout le monde, surtout dans un pays où, aujourd’hui, on est en train de chercher à asseoir les bases d’une formation politique ou d’un parti unique qui est, justement, un signe très inquiétant, parce qu’il préconise ou alors il prévoit, effectivement, l’existence ou la création d’un système de dictature, une dictature féroce. Partout où il y a un parti unique, c’est ce qu’on cherche à faire.
Aujourd’hui, on cherche à ce que le CNRD, d’abord, se transforme en parti politique et qu’il se transforme en parti politique sans opposition. Or, quand un parti politique n’a pas de contrepoids et devient, justement, un parti dictatorial, dans ces conditions, ce qu’on aurait dû faire serait complètement, encore une fois, de débaptiser le pays et de réclamer, justement, la création d’une dictature ou d’une monarchie. C’est ce qui reste à faire.
Donc, nous, nous dirons qu’il n’y a pas de manifestation qui soit permise aux partis politiques», dénonce-t-il.
Même son de cloche à l’UFDG où Mohamed Kalissa, Secrétaire fédéral de l’UFDG à Dixinn, tape sur un système de gouvernance qui fait tout pour museler les partis politiques.
«La reprise n’est pas effective, étant donné qu’avant qu’on l’interdise, nous, on faisait nos assemblées générales. C’est des assemblées générales qui continuent. On était en train de faire notre congrès. le congrès a été arrêté.
Donc, nous, on ne dit pas que la reprise a été effective parce que nous sommes limités dans nos activités. On se contente seulement des assemblées générales, aux sièges. Il y a même un moment, les assemblées dans les fédérations étaient arrêtées, les réunions hebdomadaires dans certaines fédérations étaient arrêtées, notamment vers la Haute banlieue. Il n’y avait pas de réunion», nous fait savoir le secrétaire Fédéral.
Pour finir, Mohamed Kalissa ne comprend pas pourquoi il y a des mouvements de soutien au Général Doumbouya alors qu’un communiqué l’interdisait.
«Alors qu’ils avaient fait un communiqué [CNRD – ndlr] interdisant toute forme de manifestation, que ce soit sportif ou les marches, qui consiste à soutenir le Général Doumbouya, nous voyons qu’il y a des manifestations qui se font partout, dans toutes les régions, pour soutenir le général», indique-t-il.
Malgré les nombreuses manifestations en faveur du CNRD à travers le pays, le Général Mamadi Doumbouya ne s’est pas prononcé encore sur son éventuelle candidature ou celle d’un membre du CNRD aux prochaines échéances électorales, et ce, malgré les nombreux appels du pied de ses partisans et plus proches collaborateurs.
Il faut rappeler également que nombreux ont été les partis politiques qui ont été dissouts par le ministère de l’administration et du territoire et de la décentralisation. Ces partis ne répondraient pas aux exigences requises.
Beaucoup d’autres sont sous évaluation.
Mohamed Béné Barry