À Kankan, une grande opération de démolition des emprises de la voirie urbaine est en cours. Le projet de Construction d’une autoroute aux normes internationales a poussé la Direction Nationale de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme a procédé à plusieurs casses pour libérer les emprises occupées par les citoyens. Cette opération vise surtout à libérer la voirie urbaine de la capitale de la Haute-Guinée, mais également à embellir la façade de l’autoroute avec des constructions de dernière génération.
Nos envoyés spéciaux à Kankan ont rencontré Amadou Doumbouya, Directeur National de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme pour comprendre la situation sur le terrain. Le Directeur National nous explique le sens des opérations et l’objectif visé avec ces déguerpissements.
Allure info : Monsieur le Directeur, nous avons constaté beaucoup de deguerpissement à la rentrée de Kankan. Est-ce qu’on peut savoir premièrement de quoi il s’agit ?
– Amadou Doumbouya : « À l’entrée de Kankan, vous n’êtes pas sans savoir qu’aujourd’hui il y a un projet très ambitieux qui consiste à la réalisation d’un projet de l’autoroute 2×2. Et ce projet, étant un projet pilote, nous a permis vraiment d’implanter des emprises de cette autoroute là. C’est à l’issue de l’implantation de l’autoroute qu’on a compris qu’il y a des gens qui sont dans les emprises.
On a décidé de libérer ces emprises là. Mais en même temps, il faut savoir qu’il y a une chose aussi. Après la réalisation de cette autoroute, nous recherchons aussi une façade urbaine. Et cette façade urbaine, on ne peut pas l’avoir avec les Todis qui sont aux abords de l’autoroute. Donc il fallait enlever tous les bâtiments qui ne répondent pas vraiment à la façade urbaine ».
Allure info : Qu’est-ce qui va être fait ?
– Amadou Doumbouya : « Ce qu’il faut comprendre par rapport à ce projet, c’est une route à dimension internationale qui répond à toutes les normes de la CEDEAO. Donc, vu que ce projet est cadré dans ce sens-là, il faut le faire tel que c’est indiqué. Il ne s’agit pas vraiment de parler d’une route internationale et de faire des dimensions nationales. Donc, raison pour laquelle on a pris toutes les dispositions pour que cette route-là soit bien réalisée ».
Allure info : Les gens qui occupaient les lieux, comment ils ont été amenés à quitter ? Est-ce qu’on peut savoir s’ils ont été dédommagés ?
– Amadou Doumbouya : « C’est-à-dire, au démarrage du projet, il y a eu l’implantation du projet, à l’issue de ça, toutes les personnes qui se sont retrouvées dans l’emprise du projet ont été indemnisées. Mais ce qui est déplorable aujourd’hui, c’est que ces mêmes personnes-là ont utilisé l’argent qu’on leur a donné pour des frais d’indemnisation à colmater ces bâtiments qui ont fait objet d’une première casse.
Donc, c’est ce qui nous a amenés aujourd’hui à aller complètement enlever tous les bâtiments qui ne répondent plus maintenant à la façade urbaine ».
Allure info : Cet espace qui est vide à présent, quel usage allez-vous en faire.
– Amadou Doumbouya : « Quand on parle d’une façade urbaine, il faut comprendre qu’il est question de faire une réglementation en urbanisme. C’est-à-dire que le règlement d’urbanisme va être élaboré, et c’est ce règlement d’urbanisme qu’on va imposer à tous ceux qui vont vouloir, ou tous ceux qui occupent, les abords de ce projet de foyer de l’autoroute. Tout ceux qui sont sur cette voie, qui qu’ils soient, personne ne sera épargné. Vous-même, vous savez, ce n’est pas la première fois qu’on a mené des opérations ensemble. Et toutes les opérations qu’on a menées ensemble, on ne fait pas les demi-mesures.
On s’est dit que tous les Guinéens sont au même pied d’égalité vis-à-vis de la loi. Donc, qui que tu sois, si tu es concerné vraiment par l’opération, on ne manquerait pas d’agir. L’année dernière, lorsque le chef de l’État, le président de la République, le général d’armée Mamadi Doumbouya, a fait son entrée à KanKan, il a trouvé que cette route qui est considérée aujourd’hui comme une route internationale, la chaussée était réduite. Il était très difficile que deux engins roulants se dépassent. Donc, c’est ainsi que lui-même a décidé de faire de cette route-là une route à une dimension internationale. Donc, l’idée vient du chef de l’État ».
Allure info : Dites-nous quelles sont ces zones concernées et pourquoi ? On a dégagé la gare par exemple ?
– Amadou Doumbouya : « Oui, effectivement. Vous savez, quand je prends la gare, il y a des endroits même dont les gens ont changé de nom. Ils ont appelé cet endroit-là « Harlem ». Et dès que vous entendez Harlem, comprenez qu’il y a l’existence de gangs dans cette zone-là. Aujourd’hui, cette zone-là était devenue une zone d’insécurité. Étant donné qu’avec la fête tournante à Kankan, surtout avec la Mamaya qui est devenue vraiment très célèbre en ce moment, il y a un monde fou qui se rend à Kankan.
Donc on ne peut pas accepter qu’il y ait des zones criminogènes qui existent en plein centre-ville et qu’on puisse laisser ces endroits. Donc non seulement c’est un domaine de l’État, on a eu l’initiative de récupérer le domaine de l’État afin de réduire la criminalité dans cette zone-là, pour que ceux qui viennent fêter auprès des parents, ceux qui viennent pour assister à la Mamaya, se retrouvent vraiment en sécurité».
Allure info : C’est comme si ces dégagements-là assainissent la ville de Kankan. Est-ce que vous avez fait le même constat ?
– Amadou Doumbouya : « Oui, bien sûr. La décision a été prise par rapport à tout ça-là. Parce qu’il faut comprendre qu’aujourd’hui, il n’y a pas que des habitants de Kankan qui résident ici. Il y a des gens qui ont quitté l’étranger pour venir assister à la Mamaya. Donc il faut sécuriser vraiment ces personnes-là. Pour que, non seulement ils passent une très bonne fête, mais qu’ils se retournent en sécurité aussi ».
Allure info : Est-ce que Kankan sera la seule ville ? Ou bien Kankan sert de « laboratoire » ?
– Amadou Doumbouya : « C’est pour dire qu’on n’épargnera aucune ville où les biens de l’État sont spoliés. Déjà, le nom de notre département l’indique. Il est chargé de la récupération d’un domaine spolié de l’État.
Et partout, sur toute l’étendue du territoire où se trouve un domaine de l’État, on ira récupérer. Mais ça, c’est sans arrière-pensée et sans recul. KanKan aujourd’hui a vu un beau matin une opération de déguerpissement.
Donc, ce qui veut dire qu’il faut que toutes les villes qui se retrouvent dans le même aspect que Kankan, où les routes sont obstruées, les endroits sont occupés, les domaines de l’État sont spoliés, on viendra pour récupérer. Ce n’est qu’un départ ».
Allure info : Quel est le message pour terminer ?
– Amadou Doumbouya : « Le message que je veux lancer à l’ensemble de la population, c’est de comprendre aujourd’hui qu’on a besoin de reconstruire notre pays. On ne peut pas reconstruire notre pays tant que les domaines de l’État sont spoliés par un bon nombre d’individus. Ça, c’est un.
Deuxièmement, on ne peut pas reconstruire le pays sans l’apport du secteur privé. Donc, pour que ce pays soit reconstruit, il faut libérer tous les domaines de l’État qui sont spoliés par des gens et qui ne répondent pas vraiment aux normes d’urbanisme. Donc, ces endroits-là, j’ai entendu beaucoup de personnes dire, les opérations de déguerpissement qu’on a eu à faire, que ce soit à Conakry ou dans les autres préfectures, les gens disent que quand on démolit, on ne réalise pas.
Mais ce qu’il faut comprendre aujourd’hui, tant qu’on ne démolit pas, les gens n’auront pas le courage de venir initier des projets afin de pouvoir les réaliser. Donc, ce qui veut dire que nous devons comprendre que les opérations de déguerpissement ont eu lieu, c’est parce que, d’une part, les domaines de l’État n’étaient pas sécurisés. Les gens sont venus s’installer là-dessus.
Mais cette fois-ci, avec le nouvel élan qu’on a eu à prendre, nous allons déguerpir et sécuriser ces endroits. Si un bon guinéen se lève demain pour dire qu’il veut réaliser un édifice qui répond aux règlements d’urbanisme, l’État Guinéen prendra le soin de l’accompagner dans la mise en œuvre du projet afin de changer l’image du pays. Et si c’est le gouvernement lui-même qui initie un projet, tant mieux. Mais ce qui reste clair, les domaines de l’État ne seront pas dans la main et ne resteront pas dans la main des gens qui sont prêts à les spolier. On va les récupérer jusqu’au dernier mètre carré ».
Mohamed Béné Barry, Sory Kandia Bangoura, Morlaye Damba