Le système bancaire guinéen traverse une crise de liquidité sans précédent, alerte l’économiste Abdoulaye Guirassy, président du Cercle de réflexion et d’analyse de la conjoncture économique. Selon lui, cette situation alarmante trouve ses racines dans une série de décisions économiques discutables et un climat de méfiance croissante entre les acteurs du secteur financier et la Banque Centrale de la République de Guinée (BCRG).
Pour commencer, il revient sur un épisode décisif survenu il y a moins de 2 ans, le prélèvement massif de 5 000 milliards de francs guinéens par l’État, destiné à financer des projets d’infrastructure. Cette opération, orchestrée par le Ministère des Finances de l’époque, a directement touché les réserves obligatoires des banques commerciales: « Pour faire face à la crise de trésorerie de l’État, le gouvernement a utilisé les réserves obligatoires déposées à la Banque centrale, affaiblissant ainsi un pilier fondamental de la politique monétaire. Le taux de réserve obligatoire, qui était à 15 %, a été abaissé progressivement à 12,25 % sans être reconstitué depuis. Ce manque de liquidités dans les banques est aujourd’hui criant », déplore l’économiste.
Au-delà de cette ponction, Abdoulaye Guirassy dénonce également une série de mesures prises par la Banque centrale qui ont, selon lui, déstabilisé les relations avec les établissements bancaires: « La BCRG qui est une institution publique et non une banque commerciale, impose désormais un frais de retrait de 1 % aux banques sur leurs propres fonds. Cette mesure, contraire aux principes fondamentaux de fonctionnement d’une banque centrale, a créé une véritable rupture de confiance », explique-t-il.
Il évoque également une conséquence préoccupante de cette perte de confiance, la montée en puissance du secteur informel, en particulier dans le quartier de Madina, poumon commercial de Conakry: « On observe une désaffection croissante envers les banques traditionnelles. Les liquidités émises par la Banque centrale circulent de moins en moins dans le circuit bancaire officiel. Des réseaux financiers parallèles s’installent dans l’informel, menaçant la stabilité de tout le système », avertit-il.
Face à ce contexte alarmant, l’économiste guinéen exhorte la BCRG à prendre des mesures concrètes pour restaurer la confiance et remettre en marche la mécanique économique nationale: « La confiance est le socle de toute économie saine. Sans elle, le système est paralysé. La Banque centrale doit engager un dialogue ouvert avec tous les acteurs : banques commerciales, Association professionnelle des banques (APB), opérateurs économiques. Il est impératif de reconnaître les erreurs, de rassurer les partenaires, et d’initier une réforme inclusive », conclut Abdoulaye Guirassy.
Décryptage Amadou Diallo