De hauts responsables guinéens, des ex-ministres et plusieurs cadres de l’administration sont actuellement dans le viseur de la Cour de Répression des Infractions Économiques et Financières (CRIEF). De la douane aux impôts, en passant par la santé et l’environnement, plusieurs affaires de détournement de deniers, de blanchiment de capitaux et de corruption secouent l’État guinéen. Décryptage des principaux dossiers en cours.
Depuis plusieurs mois, la CRIEF mène une série d’enquêtes sur des affaires de corruption impliquant de hauts responsables guinéens. Ces procédures judiciaires, qui concernent divers secteurs stratégiques de l’administration publique, illustrent l’ampleur du fléau qui gangrène la gestion des finances publiques en Guinée.
Des douaniers et transitaires dans le viseur de la justice
Parmi les dossiers les plus emblématiques, celui impliquant Moussa Camara, ex-Directeur général des douanes, ainsi que dix autres douaniers et quatorze sociétés de transit. Tous sont poursuivis pour des faits présumés de fraude douanière et de corruption. Alors que la plupart des mis en cause ont été placés sous mandat de dépôt, l’informaticien du groupe demeure en fuite, et un mandat d’arrêt international est en cours d’émission.
La chambre d’instruction de la CRIEF ne compte pas s’arrêter là : d’autres sociétés de transit pourraient être inculpées dans les jours à venir.
Les impôts dans la tourmente
Autre secteur frappé par des affaires de corruption, l’administration fiscale. L’ex Directeur général des impôts, Mory Camara, ainsi que deux de ses collaborateurs, Mamadou Dian Diallo et Mamadou Bérété, sont poursuivis pour détournement de fonds, enrichissement illicite et blanchiment de capitaux.
Le dernier développement marquant de ce dossier est la confrontation entre Mory Camara et Mamadou Dian Diallo, qui a eu lieu le 19 mars 2025. Par ailleurs, la Cour suprême doit se prononcer sur une décision de la chambre de contrôle de l’instruction, qui a annulé l’inculpation de Mamadou Bérété.
Le scandale des fonds de la santé
L’ancien ministre de la Santé, Mamadou Pètè Diallo, est lui aussi rattrapé par la justice. Il est soupçonné d’avoir détourné 20 millions de dollars destinés à l’achat de vaccins, ainsi qu’un budget de près de 189 milliards de francs guinéens destiné au ministère qu’il dirigeait.
La CRIEF, appuyée par l’Inspection générale d’État, poursuit ses investigations pour faire la lumière sur la gestion des fonds alloués au secteur de la santé sous sa direction.
La publicité et les marchés publics au cœur des enquêtes
L’Office Guinéen de Publicité (OGP) n’échappe pas non plus aux investigations judiciaires. Son directeur général, Mandian Sidibé, et son directeur administratif et financier, Aboubacar Sidibé, sont poursuivis pour détournement de deniers publics, corruption et enrichissement illicite.
Les fonds en question s’élèveraient à 78 milliards de francs guinéens. L’Inspection générale d’État a été saisie pour enquêter sur la gestion financière et les marchés publics de l’OGP entre 2022 et 2024.
Le secteur de l’environnement également touché
Le secrétaire général du ministère de l’Environnement, Karim Samoura, et six autres personnes sont poursuivis pour non-respect des quotas d’exportation de produits forestiers, corruption et détournement de fonds publics. L’affaire a pris une nouvelle tournure avec l’inculpation de deux douaniers et le rapatriement de 13 conteneurs de bois, dernière trace d’une exportation illégale de 422 conteneurs.
D’autres dossiers en attente de clarification
Parmi les autres affaires en cours, on retrouve des accusations contre Mamadou Cellou Dalein Diallo, ancien Premier ministre, poursuivi pour détournement de fonds publics, ainsi que Mohamed Lamine Bangoura, ex-président de la Cour constitutionnelle, soupçonné d’avoir détourné 20 milliards de francs guinéens.
Enfin, les anciens responsables du ministère des Mines, Moussa Magassouba et Yakhouba Kourouma, sont poursuivis pour corruption et abus de fonction, des faits liés à une somme de 2 millions de dollars.
Vers une justice plus rigoureuse ?
Ces nombreux dossiers témoignent de l’ampleur du défi auquel la justice guinéenne est confrontée pour lutter contre la corruption et les détournements de fonds. La CRIEF, appuyée par l’Inspection générale d’État, semble déterminée à aller au bout de ces procédures. Reste à savoir si ces enquêtes aboutiront à des condamnations effectives et à une meilleure gouvernance des finances publiques en Guinée.