Le ministre de l’Intérieur a mis plus de 48 heures à se rendre dans le Gard, marqué par la mort d’un homme tué à coup de couteaux dans une mosquée, loin de son habitude d’occuper le terrain. Dans le camp des Républicains, le malaise est palpable. « Personne ne se bouscule pour le défendre », observe un député macroniste.
Une sortie de route pour Bruno Retailleau? En position de force au gouvernement et en pole position pour devenir le président des Républicains, le ministre de l’Intérieur est ciblé par des critiques de son propre camp après le meurtre d’Aboubakar Cissé, un Malien d’une vingtaine d’années, tué dans une mosquée du Gard ce vendredi. En cause: le temps qu’il a pris pour se rendre sur place.
Si le locataire de la place Beauvau a immédiatement réagi sur les réseaux sociaux, dénonçant un acte de « violence barbare », il a ainsi mis plus de 48 heures à se déplacer sur le lieu du drame. L’ancien patron des sénateurs LR a pourtant l’habitude d’occuper le terrain, de l’attentat de Mulhouse en février à une attaque au couteau jeudi dans un lycée de Nantes.
« Il fallait y aller aussitôt »
Le tempo suscite d’autant plus l’étonnement, que le profil du suspect recherché, désormais entre les mains de la police italienne, était particulièrement inquiétant.
« Je suis intimement convaincu qu’il fallait y aller aussitôt », a affirmé le président de la région Hauts-de-France Xavier Bertrand ce lundi matin sur BFMTV, pourtant soutien de Bruno Retailleau dans la course à la présidence LR.
« Le ministre de l’Intérieur est aussi le ministre des cultes, j’ai eu l’occasion de lui rappeler », a encore insisté l’élu régional.
Visites dans le fief de Wauquiez
Sous pression de son camp, le ministre de l’Intérieur avait choisi ces mots avec soin dimanche devant la communauté musulmane du Gard. Le sexagénaire a évoqué « un message de compassion pour Aboubakar Cissé », ce jeune homme mort « dans des conditions absolument ignobles », alors qu' »il priait son dieu ».
Suffisant pour éteindre les critiques de la droite? Dans le camp de Laurent Wauquiez, son concurrent pour prendre la tête des LR, on ne manque pas en tout cas de pointer l’agenda surchargé du ministre pour expliquer ce retard à l’allumage.
Si Bruno Retailleau ne s’est pas rendu sur les lieux de l’attaque dans la mosquée vendredi, il n’a en effet pas chômé dans les heures qui ont suivi, labourant les terres de la région Auvergne-Rhône-Alpes, fief de son concurrent.
Visite d’un commissariat de police à Bourg-en-Bresse (Ain), réunion publique avec des militants LR à quelques encablures de là, inauguration d’une caserne de gendarmerie, une seconde rencontre avec des adhérents près de Chambéry (Savoie)…
« Il n’était pourtant qu’à deux heures de route de la mosquée. Ça montre bien qu’on ne peut pas être à la fois ministre de l’Intérieur et en même temps candidat pour la présidence des LR. Il a fait une grosse bourde », tance un proche de Laurent Wauquiez.
Une double casquette difficile à assumer
Depuis des semaines, l’entourage du président des députés de droite, à la peine dans la course interne, juge que la double casquette de Bruno Retailleau relève de la mission impossible. En cause notamment: la question de la disponibilité dans ce ministère où l’urgence est permanente.
« On n’a jamais hésité à annuler un déplacement de campagne si cela percute son agenda », défendait un proche de Bruno Retailleau début avril.
Avec un exemple à l’appui: sa présence pour un hommage à Tarbes (Hautes-Pyrénées) pour rendre hommage au CRS tué lors d’une opération de secours le 8 avril dernier en lieu et place d’une rencontre avec des militants LR à Mont-de-Marsan (Landes).
« Cette fois-ci, il n’a pas voulu annuler une journée sur les terres de Laurent Wauquiez qui compte 20% des adhérents LR sur toute la France. C’est pas plus compliqué, mais je comprends qu’on regrette cette lenteur », analyse un élu LR, plutôt neutre dans la campagne.
« Ce qui compte, c’est qu’à la fin, il soit allé à la rencontre de la communauté religieuse sur place. On est vraiment sur une polémique à deux sous », tente de banaliser le député LR Julien Dive, soutien de Bruno Retailleau.
Des précédents différents
Dans les rangs de la macronie, alliée désormais avec LR au sein du gouvernement, on ne se bouscule pourtant guère plus pour défendre le ministre de l’Intérieur.
« Je trouve qu’il a privilégié sa casquette de candidat plutôt que de ministre des cultes », regrette la députée et ex-porte-parole du gouvernement Prisca Thévenot.
Manifestement soucieuse de clore les interrogations, la porte-parole du gouvernement Sophie Primas a défendu son collègue ce lundi midi. « On est dans un pays qui a le goût de la polémique », a regretté celle qui était l’une des proches de Bruno Retailleau lorsqu’elle était sénatrice. « Il n’y a pas eu de retard » dans sa réaction, a encore défendu Sophie Primas.
« Ce qui me frappe quand même, c’est que personne ne se bouscule pour le défendre, y compris ses proches. On sent bien qu’il y a un malaise », observe un pilier de la macronie à l’Assemblée nationale.
« Qu’il puisse y avoir des échecs sur l’Algérie, sur l’immigration irrégulière, c’est une chose. Mais là, on est sur le terrain des valeurs. Ça dit quelque chose de l’homme ».
À gauche, nombreux ont été les responsables politiques à dénoncer l’attitude de Bruno Retailleau, comme le patron des insoumis Manuel Bompard ou le chef des communistes Fabien Roussel qui a dénoncé « un deux points deux mesures selon que l’on a affaire à un crime antisémite ou un crime contre un musulman ».
Source : BFMTV