La pétanque est l’un des noms qui revient souvent quand on évoque le sport en Guinée. Même si elle n’est pas logée à la même enseigne que des disciplines comme le football, le Basket ou le Handball, elle reste tout de même une discipline très familière au près de l’opinion. D’ailleurs, il est très fréquent d’apercevoir des boulistes s’affronter aux abords des voies, airs de jeu aménagés dans plusieurs quartiers de Conakry, et villes de l’intérieur du pays.
A Conakry, malgré les tracas liés à la pratique de ce jeu qui tire ses origines à Marseille, en France, la passion a toujours pris le dessus. La pétanque, avec le temps, est devenue un mode de vie, un moyen de raffermissant des liens entre ceux qui la pratiquent.
Cependant, si elle est vecteur de convivialité, le désir de la voir se développer et se populariser anime la plupart des boulistes qu’on a rencontrés.
L’origine de la pétanque en Guinée
C’est bien avant l’indépendance que la Boule et pétanque a fait son apparition en terre de Guinée. C’est avec les colons français, à l’époque, que les habitants de la presqu’île de Kaloum ont découvert ce jeu. Elle a été le point de départ de la propagation du jeu à tout le reste du pays.
Le Commissaire de Police, Amara Traoré, fait partie des tous premiers joueurs guinéens au début des années « 60 ».
Le septuagénaire que j’ai retrouvé dans une cafétéria de Dixinn pharmaguinée raconte les origines du jeu en Guinée.
<<A l’enfance, j’aimais beaucoup suivre mon grand frère et ses amis qui allaient souvent cueillir des mangues et des noix de coco à Kaloum. On longeait la corniche pour se retrouver là-bas. C’est à la plage Péronne, actuel emplacement du palais des nations, qu’on a vu pour la première fois des blancs jouer à la boule et pétanque. Un français qui répondait au nom de Péronne, qui y vivait, invitait souvent ses amis à venir y jouer. La plage portait le nom de ce français qui avait fait du lieu un air de jeu pour la boule et pétanque>>, nous apprend t-il.
Le jeu va ensuite se propager après l’indépendance et la première vague de boulistes guinéens arrivera.
<<Mon père sera affecté à N’Zérekoré pour le service. A l’époque je faisais le collège. C’est dans cette capitale administrative, pour la première fois, que j’ai vu des fonctionnaires guinéens jouer. C’était en 1963. Moi c’est en 1964 que j’ai commencé à jouer à la pétanque. Les aînés quand ils finissaient de jouer, nous laissaient souvent avec les boules. C’est comme ça qu’on a appris >>, retrace le Colonel Amara Traoré.
Bien d’années plus tard, à Conakry, après l’indépendance, de nombreux points de jeu verront le jour, on peut citer : le point de jeu sous l’immeuble de Feu Baldé Zaïre, le point de jeu de Coléah, le point de jeu de la camayenne, le point de jeu de Dixinn et de Taouyah.
La pétanque, une thérapie
Les pratiquants la définissent comme une discipline pleine de vertus et intemporelle.
Mouctar Kalissa, Professeur de Biologie dans plusieurs lycées de Conakry, est pratiquants depuis plus d’une vingtaine d’années.
<<La pétanque permet de développer les qualités d’adresse et de précision de ceux qui la pratiquent. Elle favorise également la coordination des mouvements des divers membres et affermit les qualités d’équilibre. Elle est excellente pour le sens du toucher et pour l’entretien de la vision. Elle permet surtout à chacun de mieux se contrôler et d’avoir une plus grande maîtrise de soi.
Je dirai aussi qu’elle procure le plaisir de jouer avec des engins dont on domine de plus en plus l’utilisation. On s’en sent un peu les maîtres et la joie est toujours grande de gagner un point, de frapper une boule, de réussir un beau coup, ce qui aide à prendre davantage conscience de ses possibilités>>, nous enseigne le professeur.
Les avantages de ce sport semblent illimitées à écouter ses adeptes. Après plusieurs décennies à pratiquer ce sport, le Colonel Amara Traoré nous livre d’autres bienfaits de la discipline.
<<La pétanque favorise les contacts humains en abolissant, la plupart du temps, les barrières sociales. Il n’y a plus, sur les jeux, que des partenaires et des adversaires. Le déroulement même des parties incite chacun à recourir à la discussion, à donner son avis, à s’extérioriser. Les qualités intellectuelles dont la pétanque favorise le développement sont nombreuses. On peut citer, entre autres, l’attention, la concentration, le travail de la mémoire, le recours au calcul et aux projections sur les probabilités>>, nous explique le Colonel de Police.
Difficultés liées à la pratique
Tout n’est pas rose dans le milieu. De la base au sommet, la discipline est confrontée à d’énormes problèmes. Les sempiternelles crises à la Fédération ne favorisent pas le développement au plus bas niveau de l’échelle. Les joueurs rencontrent d’énormes difficultés.
Mohamed Camara, électricien de profession, pointeur-tireur, raconte.
<<Nous rencontrons d’énormes soucis sur le terrain. Les équipements coûtent excessivement chers. Il n’y a pas d’endroits où on vend des équipements de boule et pétanque en Guinée. Seule une boutique à Kaloum le faisait avant. Nous achetons les boules avec des expatriés guinéens qui en ramènent de temps en temps. Les guinéens vivant à l’extérieur et qui s’intéressent au jeu sont les seuls fournisseurs. Dès fois nous sommes obligés d’acheter des boules de seconde main avec des amis qui veulent s’en débarrasser>>, se désole Mohamed Camara.
Un autre gros problème s’est invité dans la danse, c’est le manque d’airs de jeu. Colonel Amara Traoré explique : << il y a de moins en moins de lieu où jouer. Les terrains se font rares. Seuls quelques points de jeu existent encore. Mais il y a un espace qui nous est réservé au Stade 28 Septembre >>.
Sur la question de la gestion de la Fédération guinéenne de Boule et pétanque, Mohamed Camara n’y va pas de main morte. <<Il y a une crise. L’équipe nationale ne participe plus aux compétitions continentales et internationales. Vous avez vu la dernière Coupe du Monde au Bénin, c’était beau. En tant que joueur, on rêve d’assister à de telles compétitions. Les querelles doivent cesser pour aider les joueurs à performer>>, intime le joueur.
Un Sport qui ne nourrit pas son homme
Sport-Loisir, la boule et pétanque est considérée comme un divertissement pour certains ou une passion pour d’autres.
Si grâce à la pétanque certains boulistes ont pu se procurer des matériels ou autres, force est de constater que ces pratiquants ne vivent pas uniquement de la pétanque. La plupart d’entre eux ont des professions ou exercent des métiers à côté pour vivre.
Un bouliste qui a préféré garder l’anonymat jongle entre les deux. << Tu ne peux pas te focaliser seulement sur la pétanque, tu dois vivre. La pétanque pour moi, c’est seulement les week-ends, la nuit quelques fois quand je retrouve mes amis au point de jeu de Nongo. Disons que c’est lorsqu’il y a un temps de libre que je joue>>, a t-il reconnu.
La conciliation entre le jeu et les activités reste donc très difficile pour beaucoup de joueurs. Les prix récoltés lors des différentes exhibitions ne suffisent pas pour réaliser dans la vie.
La pétanque, c’est surtout donc un art de vivre avant autre chose. Malgré les nombreuses difficultés liées à sa pratique, en Guinée, les boulistes tirent et pointent, toujours avec extrême concentration. La Boule et pétanque, au delà du Sport, garantit les relations humaines et s’errige en véritable rempart contre les barrières sociales.
Comme le disait Marcel Pagnol : « La pétanque, c’est l’art de faire d’un simple cochonnet le centre du monde.»
Mohamed Béné Barry